mardi 2 février 2010

Deconnexion.

Mes mains en suspension au dessus de mon clavier gris argent aux touches noires. Il est vieux et un peu poussiéreux, pourtant le tracé des lettres blanches est toujours visible.
Simulacre de pianiste, je fais frôler mes doigts sur les touches, à la recherche des lettres qui conviendront, puis des phrases, des paragraphes qui pourront ensuite se suivre pendant de longues minutes, s'inscrivant sur la page blanche sur mon écran, au rythme de la mélodie de mon clavier. Le bruit que fait une lettre n'est pas le même que celui de la barre espace, retour ou entrée.

Et toujours, à un certain moment, ce léger silence entre deux pianotages, le temps que ma main droite atteigne la touche du point sur le pavé numérique, qui vient clore une mélodie, avant qu'une autre ne reprenne.



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Elle n'avance ni la tête haute, ni en la baissant. Droit devant, seule la destination compte. Même si par moments ses yeux se lèvent vers le ciel, s'accrochant à un moutonneux nuage, se perdant dans la grisaille d'un amas éclaireur d'un orage prochain. Et même si parfois ils se perdent sur le sol, se fixent sur les enjambées qu'elle fait, le sol sur lequel elle marche.

Un sac finit sur le gazon, appuyé à une jambe se terminant par une basket usagée. Des mains se perdent dans un sac, dénichant une petite pochette, ouvrant la tirette et en extirpant des écouteurs, un mp3. Quelques secondes plus tard, le sac retrouve sa place sur le dos de son propriétaire, la jambe se remet en marche, tout comme son clone inversé.
Un patchwork de musiques diverses se déverse dans les fils blancs, formant une barrière sonore instantanée.

Du coin de l'oeil, elle repère un groupe de gens qui lui sont familiers sans pour autant lui être proches. Ne pouvant éviter que leur chemin ne croise le sien, elle s'avance vers eux, les saluant, un sourire aux lèvres. N'est-elle pas réputée pour sa bonne humeur et son humour en toutes circonstances ? Tel est le rôle qu'elle a choisi, cependant ils ignorent combien elle le jouait à la perfection autrefois, combien son humour s'est émoussé, noirci, combien son rire n'est plus aussi spontané et sincère. Et ils n'ont pas à le savoir, par chance personne ou presque ne pourra témoigner de ce changement. Souriez moi, camarades ! Sourions, mais ne rions pas trop fort, et gardons nos larmes secrètes. Les excès ou débordements, de joie ou de larmes, sont mal vus et attirent l'attention.

Un coup d'oeil au ciel. Gris, prometteur de pluie. Espoir.

Elle arrive 5 minutes à l'avance, l'amphi est déja bien rempli, comme au premier jour. D'ici peu, les places seront plus faciles à trouver. Quelques désoeuvrés la suivent des yeux, d'autres lui font des signes de la main. Elle repère une place dans le 3ème rang, près des couloirs et à côté de deux étudiants sympathiques, certainement les seuls de la promotion à réellement s'investir dans le cours. Un coup d'oeil à l'horloge, qui n'affiche rien hormis les ":" rouges, les chiffres ont disparu. Heureusement, sa montre est à son poignet, elle aura la maigre consolation de voir le temps défiler, aussi lent soit-il lorsqu'on le passe en ces lieux.

Histoire. Premier cours du semestre, le sujet portera sur Madagascar, l'île voisine. Elle apprécie à sa juste valeur ce choix original, elle qui appréhendait une énième reprise de la Première ou Seconde Guerre Mondiale. Le professeur semble compétent, tout comme son prédecesseur. Mais le temps passe plus lentement avec lui.

Pause. Une pluie légère renforce la fraîcheur environnante. Retrouvailles avec l'un ou l'autre camarade. Alors les vacances ? Rires, sourires, retour dans l'amphi.

16h25, fin du cours, sortie et découverte d'une pluie torrentielle qui fait dresser les cheveux sur la tête des demoiselles fraîchement brushingnées, en tenue légère, ou en talons. Elle, elle sourit. Elle aime ça, la pluie, elle l'avait souhaitée toute la journée. Prière exaucée, elle quitte le parvis du bâtiment et s'aventure sous la splendide flotte. Quelques minutes plus tard, elle est trempée comme une souche et arrive devant un supposé abri-bus bourré à craquer. Qu'importe, elle se place à côté et se concentre sur cette multitude de gouttes qui lui tombent dessus, lui procurant un sentiment de rafraichissement bientôt remplacé par une véritable vague de froid, néanmoins bienvenue.

Enfin, le bus arrive et tous s'y engouffrent, dégoulinants ou presque, les plus prévoyants ayant un parapluie. Une fois n'est pas coutume, elle ferme la vitre à sa droite, se réfugie à nouveau dans sa bulle sonore et attend, tandis que le bus s'ébranle et démarre enfin. A la première gare, de nouveaux passagers mouillés montent avec empressement, tandis que d'autres en descendent.

C'est alors qu'elle le repère, parmi les nouveaux venus. Cela faisait tellement longtemps, et en même temps, on aurait dit que c'était hier. Reconnaissance mutuelle. Il vient s'asseoir à ses côtés. Elle enlève ses écouteurs.

Il n'a pas tellement changé depuis le collège. Mais sa voix est moins rocailleuse qu'auparavant, plus douce. Elle sait qu'il a eu des moments difficiles, elle est rassurée d'apprendre qu'il s'en est sorti. Il lui raconte, quelques bribes de sa vie, ses projets, ses envies. Elle remarque qu'il est en tenue de sport, il lui apprend qu'il continue toujours le foot, qu'il est passé au niveau supérieur.

Il s'est accroché à son rêve malgré tout ce qu'il a pu endurer, elle respecte cette endurance admirable. Ils parlent de tout et de rien. Elle arrive à son arrêt, ils se saluent et elle s'en va.

Pour la énième fois, les écouteurs retournent à ses oreilles, et elle marche d'un bon pas tandis que la chaleur sèche ses vêtements trempés, elle dépasse son ancien collège, hume au passage l'odeur de magasin d'encens, de bijoux et de films Indiens, regarde sans voir les vitrines des magasins de vêtements, de chaussures, qui se succèdent jusqu'à ce qu'elle arrive enfin à destination.

Du début jusqu'à la fin, hormis la joie d'être sous la pluie, elle n'aura rien ressenti.
Autrefois, la rencontre d'un vieil ami aurait fait bondir son coeur de joie, elle aurait raconté mille et une bêtises avec affection et chaleur, heureuse.
Autrefois, elle aurait râlé que le temps passe aussi lentement, aurait trouvé des dizaines de choses à dire, à remettre en question.

Là, rien. Un vide reposant, un néant sentimental, une pause salutaire pour un coeur trop utilisé, pour des choses trop minimes, éphémères.
En vérité c'est cela, il n'y a plus de batterie, le coeur est déchargé. Il suffirait de le rebrancher pour qu'il turbine comme auparavant, mais non. Les choses sont bien comme elles sont.

Le peu d'énergie qui subsiste, je le transmettrai sur papier, en graphant, en racontant ma vie ou l'une ou l'autre histoire, et en répondant à ce nouvel ancien ami avec qui j'échange de longues lettres aux conséquences plus que bénéfiques. 

Le saviez-vous ? La distance importe peu au final. Savoir qu'à l'autre bout du monde, il y a quelqu'un qui ressent plus ou moins le même dépit, qui est aussi blasé que vous et qui prend le temps de vous raconter ses propres aventures, attendant que vous fassiez de même, est un plaisir indéniable. Il ne connaît même pas mon prénom, et j'ignore le sien. Néanmoins, chacun de notre côté nous esquissons réciproquement notre portrait mutuel de par nos écrits. Car lire quelqu'un que l'on apprécie, c'est le découvrir d'une manière autre que le contact visuel, l'échange oral.

Il est 12h42. Comme prévu, la matinée passe très vite, je dois être prête pour le cours de 14h00, et espérer ne pas louper le bus de 18h10. Jusqu'à présent, j'ai eu la chance de ne jamais finir aussi tard, même si en été le soleil se couche aussi plus tard, ça me fait assez bizarre. Ah, ça me rappelle le jour du Bac d'Anglais, le temps est passé tellement vite, la nuit est tombée rapidement. C'est un indéniable point positif des examens, du moins si on fait partie de ceux qui écrivent vite.

13h01. Je vais donc éteindre mon PC, aller à la fac et rester dans ce mode que j'ai pu expérimenter hier, ça fait du bien de ne plus se prendre la tête.

Fin de l'article useless. S'il y a des gens qui passent, revenez plutôt dans 4 mois pour lire des trucs potentiellement plus marrants.

Bonne Journée.


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